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Satire | La diplomatie digitalisée

Le Luxembourg dans la mouise

La diplomatie moderne a atteint un nouveau stade d'efficacité: plus besoin de longues négociations, de réunions pénibles à huis clos, et de protocoles compliqués. Via X (anciennement Twitter), le Rwanda et la Belgique ont rompu, hier, leurs relations diplomatiques de manière rapide et facile. Le Luxembourg se retrouve maintenant dans l’embarras: liker Bruxelles ou retweeter Kigali?

Pendant plus de 60 ans, la Belgique et le Rwanda ont entretenu des relations diplomatiques. Celles-ci ont pris fin hier via X (Twitter): rapide, brutal, et en phase avec l’ère numérique.

Le ministre des Affaires étrangères du Rwanda a lancé le drame avec un tweet bref et incisif : «C’est fini! Nous rompons nos relations avec la monarchie belge – c’était trop fatigant.» Peu après, son homologue belge a répliqué avec son propre tweet: «Nous regrettons la décision du Rwanda. Tous les diplomates rwandais en Belgique sont désormais persona non grata.» Et voilà, affaire réglée! Pas d’appel téléphonique, pas de note, même pas un de smiley qui pleure.

Les réseaux sociaux semblent définitivement s’imposer comme le champ de bataille de la diplomatie internationale, et le Luxembourg doit maintenant choisir: liker Bruxelles ou retweeter Kigali?

▲ Capture d'écran post sur "X" (anciennement Twitter) du ministère des Affaires étrangères rwandais du 17 mars 2025
▲ Capture d'écran post sur "X" (anciennement Twitter) du ministère des Affaires étrangères rwandais du 17 mars 2025

▲ Capture d'écran post sur "X" (anciennement Twitter) du ministre des Affaires étrangères belge du 17 mars 2025
▲ Capture d'écran post sur "X" (anciennement Twitter) du ministre des Affaires étrangères belge du 17 mars 2025

LE LUXEMBOURG DANS LA TOURMENTE

Le Luxembourg est pris entre deux chaises. Économiquement, le gouvernement chrétien-libéral célèbre le projet de place financière à Kigali comme le veau d’or, tandis que les relations historiques et familiales entre les deux maisons royales font de la Belgique un allié de longue date du Luxembourg. Pour les nostalgiques: le Grand-Duc Henri et Philippe, Roi des Belges, sont cousins – oui, le Luxembourg est étroitement lié à Bruxelles par le mariage du père d’Henri, le Grand-Duc Jean, avec la princesse belge Joséphine-Charlotte, sœur du roi Albert II, père du roi Philippe. Mais le gouvernement luxembourgeois est marié à la place financière de Kigali.

LA NAISSANCE DE L’OPPORTUNISME MULTILATÉRAL

Pour comprendre comment le Luxembourg navigue aujourd’hui, il est important de revenir au 24 février 2025. Ce jour-là, les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis à Bruxelles pour un Conseil formel, où des sanctions contre le Rwanda et le groupe terroriste M23, soutenu par le Rwanda, devraient être adoptées en raison de l’occupation de certaines régions du Congo et des violations des droits de l’homme. Le Luxembourg a été le seul État membre de l’UE à bloquer ces sanctions, une décision qui a provoqué un tollé au sein de l’UE, et surtout en Belgique.

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Xavier Bettel, a tenté de calmer les esprits à la Chambre : «Nous n’avons rien fait de mal. Nous agissons par conviction… et par vision économique

Cependant, après que le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la Belgique et que la Belgique a annoncé des mesures de rétorsion, le Luxembourg est de plus en plus sous pression : de quel côté doit-il se ranger? Lors d’une réunion de crise, des politiciens de tous bords ont débattu de la situation, tandis que le Grand-Duc, en tant que chef des armées, a menacé d’envoyer des troupes au Rwanda. Le roi des Belges, également chef des armées, a émis des menaces similaires.

Le Luxembourg a alors introduit le concept d’«opportunisme multilatéral» – car le Grand-Duché a toujours réussi à se faufiler et équilibrer des intérêts divergents.

ÊTRE AMI AVEC TOUT LE MONDE

Après de longues tergiversations, le gouvernement luxembourgeois a annoncé la création de l’«Institut pour l’Opportunisme Multilatéral» (IOM). Ici, les diplomates luxembourgeois apprennent à courir plusieurs lièvres à la fois et à concilier deux intérêts totalement divergents. L’institut propose également des stages à d’autres États.

Dans l’affaire du Rwanda, le Luxembourg refuse de prendre une position concrète et se présente fièrement comme un pont neutre entre Kigali et Bruxelles – à la grande surprise du reste du monde.

Le Luxembourg s’est ainsi une fois de plus affirmé comme champion de l’opportunisme. Et qui sait: peut-être que l’idée d’opportunisme multilatéral deviendra vraiment un grand succès d’exportation.


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