Beaucoup l'ont sûrement déjà aperçue : la bannière colorée de l'Administration de la nature et des forêts. Cet œuvre d'art stratégique se trouve à l'entrée des forêts, où elle avertit les randonneurs, cyclistes, cueilleurs de champignons et joggeurs des dangers qui les guettent. Dans ces bois, des tronçonneuses et des bûcherons surgissent de manière inattendue.

En gros caractères, l'affiche indique : « Stop ! Danger de mort ! » En outre, on y trouve une explication : «La sylviculture crée des valeurs et préserve votre forêt.» En petits caractères, il est également fait mention de la durabilité. En clair, cela signifie : «Attention ! Ici, on abat des arbres, et cela de manière durable ! Alors, arrêtez-vous et réfléchissez à deux fois avant de vous faire transformer durablement en tas de copeaux de bois.»

Cette affiche montre une femme sur son vélo de ville. Elle symbolise la société moderne et écologique et son lien avec la nature. Le fait qu'elle s'arrête devant le panneau «Attention !» montre son intelligence et sa prudence. Le randonneur avec son chien incarne également l'harmonie entre l'homme et la nature. Sa décision de s'arrêter devant le panneau «Stop ! Danger de mort» montre qu'il comprend les dangers et les défis d'une gestion forestière durable. Le bûcheron sur l'image représente les mains laborieuses qui se consacrent à la préservation de notre forêt. La coupe de l'arbre sain symbolise les mesures difficiles mais nécessaires à prendre dans un esprit de durabilité.

Pourquoi ces travaux de coupe d'arbres sont-ils importants ? Le directeur de l'Administration de la nature et des forêts explique : «Lorsque nous abattons des arbres, les petits arbres nouveaux reçoivent plus de lumière. Mais les gens dans la forêt reçoivent aussi plus de lumière. Plus de lumière signifie moins d'ombre, moins d'ombre signifie plus de soleil, plus de soleil signifie plus de vitamine D, plus de vitamine D signifie des os plus sains, des os plus sains signifient moins de charge pour notre système de santé, moins de charge pour notre système de santé signifie plus d'argent dans les caisses de l'État. Vous voyez, nous n'avons que des avantages à abattre le plus d'arbres possible, de préférence les plus anciens. C'est durable.»

Pour comprendre pourquoi ces coupes d’arbres sont considérées durable, il faut d’abord comprendre ce que signifie ce terme omniprésent «durabilité».  Commençons par l'étymologie. «Durabilité» provient du latin «durabilis», ce qui signifie «qui peut durer». En d'autres termes, il s'agit de quelque chose qui survit aux tendances passagères et qui est conçu pour résister aux assauts du temps... du moins en théorie.

Dans la pratique, la durabilité est devenue une excuse universelle pour les comportements les plus paradoxaux. Par exemple, couper des arbres anciens pour «faire de la place pour les jeunes pousses», c'est tout à fait durable. Après tout, qui a besoin d'arbres centenaires quand on peut avoir une forêt pleine de jeunes plants prometteurs prêts à être abattus à leur tour ?

Prenons aussi l'exemple des produits de consommation. La mode de la durabilité nous incite à acheter des meubles en bois massif, fabriqués à partir d'arbres abattus de manière «durable». Mais attention, dans cinq ans, ces mêmes meubles devront être remplacés, car le design ne sera plus à la page. Le cycle continue, et nous pouvons donc maintenir un marché florissant sous le label «durable».

En somme, la durabilité est un terme magique qui permet de rationaliser les actions les plus absurdes sous le couvert d'une noble intention. C'est un mot polyvalent, adapté à toutes les situations, et qui apporte un vernis de respectabilité à toute action, aussi contestable soit-elle.

« La gestion forestière crée de la valeur et préserve votre forêt », peut-on lire sur l'affiche. Cette phrase est pleine de messages cachés. Le directeur de la Direction de la nature et des forêts précise : «Bien sûr, nous pensons d'abord à des valeurs monétaires – et soyons honnêtes : qui n'y pense pas?» Nous abattons les arbres, vendons le bois et – voilà ! - nous avons créé une valeur monétaire. Chaque tronc d'arbre se transforme en argent.

Pour d'autres, la création de valeur réside dans la plus-value. Plus nous abattons d'arbres, plus nous avons de place dans notre forêt. De l'espace pour pique-niquer, prendre des bains de soleil et plus d'espace pour des rave-parties. Une plus-value pour nous tous !

L'Administration de la nature et des forêts veille également à ce que les arbres ne deviennent pas trop vieux, trop grands et trop gros – et s'inspire de la théorie de la modération écologique. Le directeur de l'administration explique ainsi : « Les arbres trop vieux et trop grands ont tendance à monopoliser l'ombre. Ils bloquent la lumière vitale pour les autres arbres. Mais en tant qu'administration, nous ne tolérons aucun monopole – ni dans l'économie ni dans la forêt ! » Les arbres trop grands et trop denses perturbent l'image harmonieuse. L'idéal est d'avoir une forêt composée d'arbres petits et fins, répartis uniformément. Cela crée une atmosphère apaisante pour les randonneurs et les cyclistes.

De plus, une forêt régulièrement rajeunie symbolise le renouveau et l'espoir. Les arbres vieux et épais représentent le passé, tandis que les jeunes arbres fins incarnent l'avenir. En abattant les vieux arbres, l'Administration de la nature et des forêts montre qu'elle croit en l'avenir et soutient les valeurs du renouveau constant et du progrès. Pour une forêt saine et durable, l'équilibre entre la lumière et l'ombre ainsi qu'entre les jeunes et les vieux est crucial.

Combien de fois avons-nous entendu le dicton : « On ne transplante pas un vieil arbre » ? Sous cette devise, la Direction de la nature et des forêts agit. Au lieu de transplanter les vieux arbres, on les coupe. Dans notre société moderne, nous avons déjà assez de problèmes avec les personnes âgées, déracinées de leur environnement naturel et placées en maisons de retraite. Dans la forêt, ce problème est facilement résolu avec une tronçonneuse. 

Mais soyons honnêtes : Peut-être devrions-nous nous demander si nous ne perdons pas quelque chose d'important – que ce soit dans la forêt ou dans la vie –, en éliminant simplement les vieux, grands et épais arbres. Car tout comme un vieil arbre, profondément enraciné dans le sol, les personnes âgées sont un élément essentiel de notre société. Elles offrent soutien, ombre et protection. Et tout comme la forêt a besoin d'un équilibre harmonieux entre les jeunes plantes et les vieux géants, notre société a besoin d'un équilibre entre les jeunes et les vieux.

Réfléchissons donc aux valeurs que nous voulons créer – et peut-être trouverons-nous les bonnes valeurs en appréciant et en préservant à la fois les vieux arbres et les vieilles personnes dans notre vie.

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